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8 novembre 2011 2 08 /11 /novembre /2011 22:10

Le Séminaire IV et la question de la séparation.

Monique Vlassembrouck

 

Ce séminaire nous apprend beaucoup sur la relation mère- enfant. Je laisserai un peu sur le bord la question de la séparation.

Lacan y prend appui sur les structures freudiennes, essentiellement  l’inconscient et le complexe d’Oedipe pour aller contre tout ce qui  dévie dans la psychanalyse de son temps allant vers une imaginarisation.

«  Il y a un ordre symbolique » est une phrase que l’on retrouve à bien d’endroits du Séminaire : avec le symbolique il s’agit de redresser la barre aux dérives.

 

JAM présentant le Séminaire dans une Lettre mensuelle de l’ECF dit que c’est un Séminaire sur la mère mais surtout sur un au- delà de la mère présent dès les liens primordiaux de l’enfant. C’est dit- il un Séminaire sur la sexualité de la femme et que l’enfant y est concerné.

 

En effet, Lacan développe dans ce séminaire que  c’est dès les relations préoedipiennes, et nulle part ailleurs, qu’il apparaît le plus certain que la mère phallique est un élément central. La  mère et le phallus qu’il s’agit de lui donner vient comme réponse à ce qui derrière la structure de l’omnipotence de la mère comme Autre primordial  se présente comme manque.

 

Ce que Lacan va montrer dans ce séminaire c’est qu’à un moment se fait l’entrée de l’enfant dans la relation à l’objet symbolique, en tant que le phallus en est la monnaie majeure : c’est alors que le phallus se constitue comme phallus symbolique qui inscrit l’enfant dans une relation articulée au manque et à un ordre symbolique qui prévaut dans les échanges interhumains. C’est le fil à tenir de ce qui est en jeu dans les relations primitives de l’enfant à sa mère : la frustration primitive y débouche sur castration et privation et le ressort en est le phallus et la mère inassouvie. C’est ce qui est central dans le chapitre XI du Séminaire IV.    

    

Pour le petit  Hans, un cas de Freud relu par Lacan et développé dans une grande partie du Séminaire, la question infantile est d’abord comment assouvir le désir de la mère en relation à son manque. Sur ce chemin, sa phobie est une invention pour parer à une mère dont il n’arrive pas à se séparer, une mère qui n’est pas assez privée,  qui jouit un peu trop de son enfant dont le fantasme sera de l’assouvir, d’être le phallus qu’elle désire, d’où son angoisse.

L’objet fétiche est une autre réponse : il vient comme voile par rapport au manque maternel dont la clinique de la perversion témoigne.

Ceci pour donner envie de lire le séminaire : la clinique que Lacan y articule est enseignante.

Je résume la thèse de ce Séminaire par cette idée de Lacan : pas d’harmonie naturelle : du nouveau doit se saisir dans le lien primordial mère- enfant. Un ordre symbolique y est le lit  sur lequel l’imaginaire offre à l’enfant ses objets pour répondre au manque qu’il y rencontre.

 

Je me suis donc attardée au chapitre XI «  Le phallus et la mère inassouvie » et je suis censée  vous parler de la mère inassouvie. La question sous jacente à la lecture du séminaire IV étant de nous éclairer sur la séparation de l’enfant et de sa mère.  

 

Lacan revient sur la question de la frustration primitive dont Maïté a déjà déployé la dialectique. Lacan précise que ce terme de frustration n’est  utilisable pour nous que dans sa dialectique où elle est refus de don, en tant que le don est symbole de l’amour.

Qu’est ce que cela implique essentiellement?

 

-Tout d’abord que l’enfant rencontre non un objet mais un être. Si la frustration est refus de don, ça veut dire que l’ enfant est déjà dans un bain qui implique l’existence de l’ordre symbolique et que l’expérience de l’enfant est prise et rétroactivement remaniée par la relation intersubjective dans laquelle il s’engage par une série d’amorces.

Le don donc : il implique l’ordre de l’échange, il y a don parce qu’il y a une immense circulation de dons qui recouvre tout l’ensemble intersubjectif, cela suppose derrière, tout l’ordre de l’échange dans lequel l’enfant est entré. ( p182)

Don- échange- circulation- ensemble intersubjectif : on est dans un au –delà de la relation objectale.

Mais aussi, cela implique que le don se donne dans l’appel. Rien n’est don que par l’acte qui l’a préalablement annulé ou révoqué. C’est sur ce fond, en tant que le signe d’amour est d’abord annulé pour reparaître ensuite comme pure présence que le don se donne dans l’appel. L’appel suppose en face son contraire et que ce qui est appelé peut être repoussé.

Voilà la dialectique à l’œuvre où la mère devient réelle, une puissance  qui répond ou pas.

 

-Quant à l’objet qui se manifeste dans le don, c’est essentiellement comme signe de don qu’il vient, c’est  un objet élevé au symbolique, un objet marqué du manque, il est juste signe de... C’est donc un objet qui prend la marque douloureuse de l’objet à la fois là et jamais là ( cfr le fort- da qui montre que c’est l’absence qui constitue la présence) Il est réponse à l’appel, il est  là comme signe du don :l’objet qui vient dans le don est rien comme satisfaction, ou encore, la satisfaction n’y est que substitut, compensation. Ainsi. l’enfant écrase dans la satisfaction de l’objet qui y vient, l’inassouvissement fondamentale de cette relation qui est sur le plan symbolique. Autrement dit la satisfaction de l’objet peut venir se substituer à la satisfaction symbolique : l’objet devient alors signe de l’exigence d’amour.

Cela nous rend attentif au fait que le désir de l’enfant n’est jamais lié à la pure et simple satisfaction naturelle, que dans la répétition de l’appel il y a la frustration parce que le jeu symbolique a un caractère fondamentalement décevant.

 

C’est un peu complexe mais essentiel. La clinique de l’anorexie mentale est évoquée dans ce chapitre et permet de saisir ce qui est en jeu quand à la satisfaction du besoin vient se substituer la satisfaction symbolique

Dans l’anorexie, l’oralité  prend valeur symbolique au point que l’objet réel y est absent. L’anorexique trouve une satisfaction substitutive de la saturation symbolique dit Lacan : son symptôme ce n’est pas ne pas manger mais manger rien, manger le rien. Rien c’est justement ce qui existe sur le plan du symbolique Et de cette absence comme telle, de l’objet annulé en tant que symbolique et  grâce à ça, le sujet anorexique fait dépendre la mère dont il dépend.

 

Le don se donne  ou ne se donne pas à l’appel : cela indique en même temps que dans cette dialectique symbolique la mère devient réelle et apparaît dans sa dimension de puissance.

Lacan utilise le terme de « Wirklichkeit » de Freud  pour préciser ce réel : ce terme dit un sens plus particulier du réel que l’enfant rencontre : c’est efficacité et réalité, dont l’efficace est que c’est d’elle que dépend le don et non don.

C’est ainsi que la mère  peut prendre la fonction paranoïde pour l’enfant au sens ou tous les objets tirent valeur symbolique du don ou non don de la mère, tout comme elle peut prendre la fonction dépressive. En effet, si le stade du miroir dit le triomphe de l’enfant qui y trouve la maîtrise dans une forme ou son moi prend appui, c’est aussi le truchement de sa défaite lorsqu’il se trouve en présence de cette totalité sous la forme du corps maternel et qu’il doit constater qu’il ne lui obéit pas.

 

Le symbolique transforme donc au plus profond la relation au corps propre. Toutes les relations au corps qui s’établissent par l’intermédiaire de la relation spéculaire entrent en jeu et sont transformées par leur entrée dans le signifiant. L’enfant y trouve de quoi nourrir le symbolique : les excréments peuvent devenir objet de don, la rétention refus par exemple

.

C’est dans cette dialectique que s’introduit le phallus.

Freud part de ce constat  tiré de la clinique analytique : l’existence du phallus imaginaire qui est central dans toutes les aventures, les avatars, les défaillances du développement génital.

Freud affirme le primat du phallus, et Lacan reprend cela et l’articule à ce qui est en jeu dans le lien mère-enfant au niveau préoedipien.

Le phallus ce n’est  pas l’organe en tant que tel, mais c’est un différentiel qui s’introduit, un « on a, ou on n’a pas ». On est déjà dans le symbolique en disant cela, ce n’est pas du manque réel qu’il s’agit, mais d’un manque imaginaire, spéculaire, et qui introduit le sujet au désir de ce manque pour des raisons inscrites dans l’ordre symbolique. C’est un  signifiant que l’enfant rencontre dans son lien à la mère et qui  n’a d’intérêt que s’il débouche sur castration et privation, que sur la mise en jeu du manque de la mère.

Phrase clé dans toute cette dialectique de la frustration primitive mais qu’est ce à dire ?

Le fil pour en sortir c’est que la mère manque de phallus (castration) et qu’elle le désire et que c’est en tant que quelque chose le lui donne qu’elle peut être satisfaite.

Sous la répétition de l’appel de l’enfant, c’est  la frustration de la mère qui entre en jeu et qui engage une autre dynamique chez l’enfant.

Lacan cite une observation d’Abraham et montre qu’il ne s’agit pas de manquer de phallus mais de le donner à sa mère ou d’en donner un équivalent. ( p192) Donc le don. 

 

Cette mère dont il dépend, face à son manque et du désir de ce manque en tant qu’il est inscrit dans l’ordre symbolique, donc au- delà de l’individu, il va s’en faire l’objet trompeur, s’engager dans le jeu du leurre. Ce désir ne peut être assouvi et en même temps il s’agit de le tromper, parce que le moi de l’enfant repose sur la toute puissance de la mère dans cette période préoedipienne.

Qu’en est- il alors ? Il se fait l’objet trompeur du manque féminin. Il montre à sa mère ce qu’il n’est pas et se construit ainsi  tout le cheminement autour de quoi son moi  va prendre sa stabilité.

C’est dans cette voie du leurre où il met  en jeu le phallus symbolique qu’il  s’engage à n’être qu’un substitut, un substitut insuffisant.

Quelque chose du manque devient central alors, bien que déjà là, présent, dans tout l’ordre symbolique de l’appel. Ce qui devient central c’est qu’il rencontre maintenant sa castration tout en rencontrant celle de sa mère. Il rencontre que le véritable partenaire de la mère est son manque, son manque phallique inassouvissable et non lui : il ne peut qu’en être un substitut, le voiler.

 

Nous trouvons ici dit Lacan la possibilité de la régression : cette mère inassouvie et insatisfaite autour de laquelle se construit l’enfant : elle est réelle et peut le dévorer, l’écraser…Les fantasmes nous révèlent ce « être dévoré » à l’origine de la phobie.

 

JAM dit que la question de la psychanalyse avec les enfants est celle de la sexualité de la femme, de la mère dans son rapport au phallus qui fait d’elle un être de manque et surtout une mère inassouvie et inassouvissable : la frustration primitive débouche sur privation et castration. L’enfant se dégage alors et peut rencontrer l’au- delà de la mère, s’inscrire dans l’ordre symbolique.

C’est pour moi la variété de la séparation dans le séminaire IV : la rencontre de la castration de la mère.

 

Le phallus est l’objet imaginarisé et signifiantisé sur lequel l’enfant  prend appui lorsqu’il rencontre le manque dans l’Autre et la question de son  désir qui est désir articulé au manque.

Il peut se loger là : se faire l’objet trompeur, un substitut car le véritable partenaire de la mère est le phallus dont elle est privée et qui la confronte à sa castration.

 

Pas d’harmonie naturelle donc, l’amour réciproque n’existe pas.

Si dans notre clinique avec les enfants nous rencontrons ce lien à la mère qui se décline souvent au «  il faut séparer », c’est bien parce que la mère « lacanienne » peut toujours chercher à dévorer, que la question infantile essentielle est de savoir comment assouvir la mère en relation avec son manque.      

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